mardi 16 février 2010

Elisabeth Badinter et les mères

Voilà que j'en arrive à être d'accord avec E. Badinter. Pourtant, avec son refus des quotas de femmes et sa théorie sur la victimisation des femmes, entre beaucoup d'autres, je faisais plutôt partie de celles et ceux qui ne la considèrent pas vraiment comme étant féministe. J'avoue même que pour moi, elle frôlait le machisme pur et dur. Quand on gagne 25% de moins uniquement parce qu'on est une femme, moi j'appelle ca être victime de discrimination.

Et puis ce nouveau livre sur les mères. Et leur défaite.
Cela semble un sujet cher à l'auteure puisque c'est elle même qui a démonté le mythe de l'instinct maternel il y a 30 ans de cela déjà.

Je partage totalement son avis quant à l'obligation actuelle d'allaiter son enfant sous peine d'être mise au pilori.
Que des mères souhaitent allaiter 6 mois ou plus, très bien. Chacune fait ce qu'elle veut et si elle le souhaite je ne vois pas pourquoi on la pousserait à sevrer son bébé. Mais que l'on jette la pierre à celle qui opte pour le lait maternel me hérisse.
Je n'ai pas beaucoup d'amies ou connaissances avec bébé mais j'en ai quand même quelques unes et la culpabilisation lors de l'arrêt de l'allaitement ou lors du choix du lait maternel fait froid dans le dos. Les amies, souvent sans enfant, y vont presque toutes de leur petit discours moralisateur.
L'injonction à allaiter est aussi forte que celle à avoir un enfant quand on arrive à la trentaine et qu'on vit en couple. La pression sociale est bel et bien là. Il FAUT enfanter puis il FAUT allaiter.

C'est cette pression qui est inacceptable et régressive car elle enferme les femmes dans un rôle,non seulement de mère, mais de mère nourricière. En effet, sans pression il y a choix, et qui dit choix dit non enfermement dans un rôle exclusif. Or, ici, soit on est une mère nourricière, soit on est une mauvaise mère, soit on n'est ni l'une ni l'autre et on est une E.T.
Le mot "femme" n'est pas synonyme de "mère". De plus, une mère n'est pas qu'une mère. Souvent elle a fait des études, travaille, a des activités. Quand elle retourne travailler après son congé maternité, elle a peut-être son mot à dire du dossier sur lequel elle bosse. Elle est aussi professionnelle et pas uniquement changeuse de couches.
Et quand Madame Kosciusko-Morizet, directement visée par E. Badinter, annonce qu'elle a plus important à faire que de débattre sur l'allaitement, cela me fait immédiatement penser à ces féministes qui ont mieux à faire qu'à réfléchir sur le Madame ou Mademoiselle.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières et la base des pires violences se forme de tous ces détails qui n'en sont pas.
Oui, cette obligation sociale d'allaiter est un frein à l'avancée des femmes puisque la femme qui a des enfants n'existe plus qu'en qualité de mère et de nourrice.

Toutefois, je partage son avis (de NKM) sur le "féminisme" du nouveau livre de E. Badinter. Et surtout sur son message.
En effet, que nous dit l'ennemie de la victimisation? Que le lavage des couches (lavables) incombe immanquablement aux femmes puisque 80 à 90% des tâches ménagères sont effectuées par la femme, encore plus quand il y a un bébé.
Demander à ce que l'on remette en cause ces couches parce que ce sont les femmes qui les lavent relèvent selon moi de la victimisation. Ou pire: du fatalisme. On dirait que lutter pour l'égalité est inutile donc autant lutter sur d'autres terrains.
Perso, je me battrai plutôt pour que les pères aient la volonté et puissent s'impliquer davantage dans la sphère domestique avec tout ce qui en découle. Parce que c'est clair que tant que les femmes gagneront 25% de moins que leur conjoint, ce sont elles qui prendront un congé parental pour y perdre moins financièrement. Tant que les pères n'auront pas de congés paternité digne de ce nom (regardons les pères suédois) ce sera toujours à la femme de changer les couches pendant que papa travaille pour nourrir la famille.

Il ne s'agit pas de se battre contre les couches lavables (perso j'avoue ne pas savoir comment on peut vouloir utiliser ces trucs mais comme dit, ce n'est pas le problème de savoir ce que j'en pense)mais de lutter contre le fait que seulement maman lave les couches. Il faut lutter contre la discrimination salariale,lutter contre les modèles filles et garcons que l'on inculque à nos enfants. Lutter pour l'égalité homme/femme. Tout simplement.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Haaaaaa, je soupire d'aise: enfin un commentaire qui a du sens sur ce livre que je n'ai pas encore lu (mais ça ne saurait tarder) :) Un clic sur le net ou FB et c'est la consternation: des jouvencelles - pour la plupart non mères - qui se scandalisent qu'on puisse faire passer la femme (qui ça, au fait?) AVANT la nature! Vous rendez-vous compte? Merci pour ce commentaire intéressant, ARGUMENTE (et je vous jure que par les temps qui courent, c'est pas du luxe) et intelligent.
Au plaisir de vous relire
Aubergine

Anonyme a dit…

P.S.: j'ai bien sûr mis le lien sur ma page FaceBook avec une intense jubilation ;)

Shalima a dit…

Je suis toujours étonnée quand je lis qu'il y a une pression sociale à allaiter. Pour avoir eu 3 enfants ces 9 dernières années, c'est plutôt le contraire que j'ai vécu : pas ou peu d'info à la maternité, aucun personnel qualifié pour me filer un coup de main (l'allaitement a beau être "naturel", il ne va pas de soit, loin de là). On m'a carrément ri au nez à la naissance de mon 3ème quand j'ai osé poser une question : "comment madame, c'est votre 3ème, vous en savez plus que nous !".
Il a fallu que je me débrouille seule dans mon coin pour trouver, enfin, une sage-femme qualifiée. Et que dire ensuite des remarques quand j'ai allaité plus de 6 mois et des médecins qui voulaient que j'arrête pour un oui ou pour un non (fièvre, fatigue, prise de médocs pour toute autre chose)

Sans nul doute, les pro-allaitement comme la Leche League ont plus droit à la parole qu'auparavant, l'allaitement est plus valorisé que dans les années 90, mais de là à dire qu'il y a pression sociale (de la part de toute la société, donc), je ne suis pas d'accord. Il suffit de voir les chiffres, celles qui allaitent plus d'un mois restent largement minoritaires.

Pour les couches lavables, en revanche, je suis d'accord avec ton point de vue, ça n'est une "bonne" solution que si ça ne pénalise pas encore plus les femmes. Nous, nous en avons utilisé une bonne année et demi... mais MrChéri s'occupe des lessives autant que moi. Malheureusement c'est loin d'être le cas pour tout le monde.

Alice a dit…

Aubergine, merci!
Pour le reste, TOUT passe avant les femmes de toutes facon.

Shalima, justement je me demandais ce que tu en pensais. Tu as allaité longtemps je crois. Ce qu'il y a avec l'allaitement c'est que tout le monde s'accorde à dire qu'il faut allaiter les 3 premiers mois, éventuellement les 3 mois suivants et puis,, ensuite les femmes qui décident de continuer passent pour des illuminées.Alors qu'elles devraient pouvoir faire comme elles veulent.
Merci pour ton témoignage maternité. Jusqu'à présent j'avais plutôt entendu l'inverse. Ca dépend peut-être des maternités? Quoi qu'il en soit, on n'avait pas à te rire au nez. Personne ne devrait pousser une femme à allaiter ou à utiliser du lait. C'est tout aussi personnel que le choix de faire un enfant ou non. Enfin, c'est mon avis en tout cas.

Alice a dit…

Aubergine, je voulais rajouter aussi que pour celles qui s'offusquent de faire passer les femmes avant la nature: elles ne s'épilent pas bien sûr. Les crèmes dépilatoires polluent à un point que je n'ose même pas imaginer (y'a qu'a sentir l'odeur), l'épilateur électrique consomme de l'énergie et c'est pas bon du tout pour la planète,la cire (à part peut-être celle au sucre, et encore que...) c'est bourré d'additif et pour dissoudre tout ca bon courage. reste la pince à épiler. Mais pas la peine puisque les poils, c'est on ne peut plus naturel.
Bref, c'est juste une idée qui m'est venue comme ca, en pensant nature écolo extrêmiste.

Emelire, je suis contente qu'on se rejoigne sur Badinter et ses activités annexes.
quant aux conseils dans les mater, ben y'en a déjá pas dans les unités qui accueillent les malades alors hein...

Shalima a dit…

Ça doit dépendre des endroits où tu te trouves, en fait. La Bretagne est historiquement peu portée sur l'allaitement (ds le temps, seules les nourrices - les "pauvres" quoi - allaitaient, et elles en profitaient pour nourrir les gamins des riches). En tout cas si tu veux allaiter, faut un peu te démerder toute seule. Hors LLL, point de salut. Sur Paris, l'allaitement est plus répandu, donc plus accepté, valorisé, peut-être est-ce différent ?

Anonyme a dit…

Shalima, je te rejoins. Pour mon premier, il y a dix-sept ans, ben... j'ai reçu une valise avec des compresses d'allaitement et ... des échantillons de lait en poudre. Et les conseils "il tête trop, non?" "T'es sûre que ton lait est bon?", etc. font qu'il a fallu s'accrocher sec pour l'allaiter 9 mois 1/2, date à laquelle il a décidé tout seul d'arrêter. Pour la deuxième, 11 ans plus tard, ... ce fut un poil mieux. A part le fait qu'elle avait un problème d'otites les unes sur les autres, qu'elle a dormi à coup de deux heures pendant sept mois, que j'ai cru que j'y laissais ma peau et donc... logique, l'allaitement n'a pas suivi (à peine 4 mois 1/2). Mais j'ai le même sentiment: en théorie, c'est bien, en pratique, y a pas grand monde pour t'aider. Pour le reste, j'ai toujours pas lu le livre, donc... et pour l'épilation, Alice, il reste le laser :)
Aubergine

Alice a dit…

Shalima, c'est fort possible qu'il y ait des disparités régionales. Ca peut aussi dépendre du fait que ce soit l'hôpital public ou une mater privée.
Je ne peux parler que de ce que j'observe n'ayant pas été moi-même confrontée à ca. Tout ce que je peux dire c'est que les mères de mon âge ou un peu moins que je connais de prés ou de loin ont toutes allaité jusqu'à au moins 3 mois et j'en ai entendu des vertes et des pas mûres sur les femmes qui n'allaitent pas et parfois même sur celles qui arrêtent à 3 mois. En gros: elles méritent pas d'être mères ces s.....!
Je ne dis pas que tout le monde agit ou réagit comme cela mais j'ai vraiment l'impression que c'est une tendance qui se durcit.

Aubergine et les autres aussi, pour les conseils en mater est-ce que ca ne rejoint pas les conseils en milieu hospitalier? Je n'ai jamais fait de séjour en mater mais des séjours en hôpital et bonjour la galère. J'y ai entendu tout et son contraire sur la même pathologie, des injonctions infondées au laisser-aller le plus ahurissant. Si ca se passe comme ca pour des pathologies, pourquoi n'en serait-il pas de même en mater, à plus forte raison parce qu'on n'y accueille pas de gens malades?