dimanche 13 juillet 2014

Se remet-on jamais?

Quiconque lit ce blog, même en diagonale, connait un peu mon histoire. Education sur-genrée, famille catholique tradi, victime de harcélement, agressions sexuelles et tentatives de viol au collège par certains de mes "camarades" de classe plus âgés, exhibitionisme d'un "gentil papy" voisin de  quartier, harcèlement de rue allant jusqu'au viol pur et simple.
Dès mes 10 ans, ma vie a été rythmée par des insomnies, des crises d'angoisse et de panique, des nausées pour finir par 6 ans d'enfer boulimique, de dépression avant d'être écoutée et soutenue par un et une ami-e et une association d'aide aux victimes de violences sexuelles.
J'ai porté plainte pour le viol qui n'était pas encore prescrit. Je vois bien maintenant que ça n'a servi à rien et si c'était à refaire je ne le referais pas mais sur le moment ça m'a donné le sentiment de reprendre le contrôle sur ma vie.
Petit à petit mes peurs se sont transformées en force, j'ai pris confiance en moi et je me suis sentie VIVANTE. Enfin! Je me sentais forte. Je me sentais renaître. J'avais été victime d'un viol et cela n'affectait plus mon présent. Mon statut de victime se conjuguait au passé. J'étais une survivante et je pensais être capable de résister à tout, vu ce que j'avais déjà accompli.
J'ai vécu plusieurs années de bonheur: bien dans ma peau, des ami-e-s géniaux, un compagnon qui ne me prend pas pour sa bonne ni pour sa mère ni pour un sex toy, une vie sociale et culturelle qui me convient. Tout pour être heureuse.
Quand j'ai été contactée pour cette offre d'emploi, je ne m'attendais pas à ce que tout s'écroule, et encore moins à devenir la spectatrice impuissante de ma destruction.
Suite à des problèmes économiques dans la boîte où je bossais, je décidais de réactualiser mon CV sur un site d'emploi. 2 jours plus tard, je suis contactée par une entreprise qui cherche quelqu'un avec mon profil de toute urgence. Je connais déjà la boîte pour y avoir passé un entretien plusieurs mois auparavant. De nombreuses questions autour de l'état d'activité de mon utérus m'avaient mené tout droit à un bureau contre les descriminations. Dénonciation faite, j'avais rapidement trouvé autre chose, en fait le boulot que je voulais quitter maintenant.
Surprise par cet appel, je décide d'aller à l'entretien, curieuse de voir ce qu'on va bien pouvoir me poser comme questions. Ca a duré plus de 3 heures et pas une seule question personnelle. Ont-ils eu vent de la dénonciation et se sont-ils repris? Ces questions étaient-elles de "simples tests" maladroits pour voir ma réaction? S'est-il passsé quelque chose? je n'en sais rien mais ce que je sais c'est que je suis engagée, que c'est vraiment pas loin de chez moi et que je ne passerai pas des heures dans les transports et surtout que le boulot a l'air intéressant.

Dès le 1er jour, j'apprends que mon prédecesseur a démissionné suite à des problèmes d'affinités personnelles avec l'équipe (et je vois vite pourquoi  car ça n'a pas arrèté de gueuler dans l'équipe tout la journée) et qu'une collègue travaillant sur un autre secteur que le mien est en arrèt maladie depression pour cause du travail. Je n'ai pas d'identifiant pour me connecter à mon poste car il faut me le créer et en attendant je me mets au courant des procédures à suivre avec mon équipe. Une "collègue" qui n'est ni de mon secteur ni de mon équipe mais qui est toujours à venir nous voir va me dénoncer au chef: je ne suis pas connectée, va falloir que je me mette au pas et plus vite que ça.
3eme jour, une autre "collègue" me demande un renseignement sur un client. Si je peux me connecter à mon poste et au logiciel, je n'ai pas encore accès à tous les modules et je ne peux pas la renseigner. Je lui dit que je vais demander à ma collègue qui, elle, a accès. Elle va direct dans le bureau du chef se plaindre que je ne VEUX pas lui donner une information dont elle a besoin et que je l'entrave dans son travail.
5eme jour: un collègue me demande de lui transférer un email. Je dois le rechercher dans la boîte de mon prédécesseur. Je lance la recherche et pendant ce temps je reçois un appel d'un client. Ca ne dure pas 3 minutes mais quand je raccroche je vois que j'ai 3 appels en absence du collègue qui me demande l'email. Je n'ai pas le temps de l'appeler pour voir ce qu'il veut qu'il m'appelle et...me gueule dessus. Pourquoi n'a-t-il toujours pas reçu cet email? Il va lui aussi voir mon chef et lui dit qu'il a attendu plus de 3 heures que je lui envoie l'email (en fait je lui ai envoyé 3 minutes après sa requête mais on ne dois pas avoir la même notion du temps).
Je pense à partir. Entre les questions déplacées de l'entretien antérieur, l'ambiance, les engueulades, les dénonciations puériles je me dis que ce boulot n'est pas pour moi.
En même temps, j'ai de bons horaires, c'est proche de chez moi, j'ai aussi un peu la flemme de remettre encore mon CV en service et je me dis que je suis bien au-dessus de ces enfantillages. La preuve mon chef n'est pas encore venu me dire quoi que ce soit, j'ai su les plaintes de mes "collègues" à mon égard parce qu'on entend tout depuis son bureau.
Je continue donc et les jours s'enchaînent. Certains sans incidents notoires, d'autres avec les mêmes genre de réaction de collègues. Je ne sais plus si je suis dans une boîte professionnelle internationale ou dans une crèche-garderie.
Jusqu'au jour où je reçois un appel d'un collègue (encore un!). Cela ne fait même pas 2 mois que je suis dans la boîte. Il veut des info sur un client. Il me donne son nom. Je n'ai aucune idée de l'orthographe et lui demande de me l'épeler. Il le fait d'un ton agacé. Nous avons plusieurs clients de ce nom là et lui demande des précisions pour l'identifier. Je n'ai pas crié, je n'ai pas insulté, j'ai simplement signalé que nous avons plusieurs clients à ce nom et que s'il a une info supplémentaire ça faciltera la recherche. Il m'a purement et simplement agressée au téléphone. C'était d'une telle violence que je suis restée interdite avant de me reprendre et de commencer à lui répondre en prenant soin de ne pas l'insulter. Il ne m'écoute pas et continue dans sa violence. Je lui raccroche au nez, je ne peux pas supporter ça plus longtemps. Je tremble, je suis choquée. Tout le monde s'en branle autour de moi. Je décide de lui envoyer un email pour lui demander des explications quant à sa violence. Au bout de 2 jours je n'ai toujours pas de réponse et je me résouds à en réferer à mon chef qui me dit que si j'estime avoir été agressée je peux écrire au chef du collègue en question. Réponse du chef: il faut que je me remette sérieusement en question car j'ai forcément du faire quelque chose de mal pour provoquer une réaction aussi violente.
En clair c'est de ma faute. J'ai forcément provoqué l'agression donc je l'ai bien méritée.

Je retombe des années en arrière. Des milliers de questions, de remarques, de commentaires, de sensations me reviennent d'un coup. Cette agression n'était pas physique, il n'y avait aucune notion sexuelle et pourtant je me sens aussi démunie et coupable qu'au temps de mon viol. Je réentends les phrases assassines, je me sens nulle, fautive, honteuse. Cela dure quelques secondes ou quelques minutes, je ne sais plus, puis je me reprends. Non, je n'ai rien fait pour mériter une telle agression. Oui, j'ai le droit de me sentir mal car la violence, même verbale, même non sexuelle, est de la violence et qu'elle est blessante. personne n'a le droit de me parler comme ça. Personne. Je demande l'enregistrement de la conversation: on me dit que ce n'est pas possible et de ne plus y penser, qu'ils savent bien ici que je n'ai pas voulu offenser mon collègue, qu'il s'agit d'un malentendu.

C'est très étrange mais à partir de là j'ai commencé à savoir exactement ce que je devais faire mais je n'y arrivais pas. Moi, Alice, survivante de viol, forte, décidée et libre voit et analyse la situation et comprend qu'il n'y a rien à tirer de cette boîte. "Remets ton cv à jour Alice et tire-toi de là. Plante-les en pleine période d'activité, ça leur fera les pieds." me dis-je à moi-même.
Mais je n'arrive pas à agir ni à parler ni à partir. Je sais qu'ils ont déjà une emprise sur moi. Je le sais, je le vois mais je n'arrive pas à réagir.
Le comble sera atteint quand 2 mois plus tard je suis convoquée dans le bureau d'un chef de je ne sais pas quoi. J'ai à peine le temps de m'asseoir qu'il m'annonce que je suis "nulle, inutile, inefficace" selon ses propres mots, qu'il faut que je change immédiatement de comportement sinon j'en paierai les conséquences au prix fort. Je lui demande en quoi je dois m'améliorer mais il ne me répond pas. Il continue à me dire qu'il y aura des sanctions. Il me reparle de l'agression téléphonique. Je ne lâche pas et redemande une copie de la conversation. Cette fois-ci c'en est trop. Je parle calmement mais fermement et je crois que ça l'impressionne. Il me répond d'un ton plus bas qu'on ne peut pas sortir les conversations mais me demande pourquoi je n'ai pas fait tel travail. Manque de bol pour lui, je suis la seule de l'équipe à l'avoir fait. Il me dit alors que je mens. je lui dit qu'on peut vérifier de suite sur son ordi, il verra bien que j'ai tout fait tel jour tel heure. Il refuse et je pense que ça ne lui plaît pas que je le prenne au dépourvu. Il en remet une couche sur les sanctions.
J'aurais du démissionné ce jour-là.
Je ne l'ai pas fait.
J'ai continué à entendre que je suis nulle, sans valeur, incompétente. J'ai continué à recevoir maints reproches, insultes, humiliations, intimidations.
Alors un soir, en rentrant, sans même m'en rendre compte, j'ai commencé à marcher lentement vers le bord de la voie du métro. Il suffirait d'un pas de plus pour que tout s'arrête. Pour ne plus être nulle, pour ne plus être inutile, pour ne plus être insultée et humiliée. Et d'un coup un sursaut. Quel boulot,quelle personne mérite qu'on se foute en l'air???? J'ai survécu à des agressions sexuelles répétées au collège, un exhib pédophile, un viol. J'ai gagné contre la dépression, la boulimie, j'ai surmonté les commentaires, les remarques pro viol et je vais me foutre en l'air pour quelques bitards et connasses pour un boulot????????????
J'ai démissionné le lendemain.
Je m'en suis voulu de ne pas l'avoir fait avant. Je m'en suis voulu à moi pendant des mois. J'ai cru que j'allais refaire une grave dépression. Puis, petit à petit ma colère s'est tournée vers eux et elles. Aujourd'hui ces personnes me sont complètement indifférentes. Elles m'ont bouffé des mois de tranquilité, elles ne méritent pas de m'en prendre plus.
En l'espace de 2 ans j'ai assisté à 10 renvois, 10 démissions sur un total de 40 personnes. Il y a eu 3 employé-e-s en procès, 4 en arrêt longue durée pour dépression. Preuve que je ne suis pas la seule et que c'est vraiment eux qui ont un problème.
Tout ce que j'espère c'est que je suis maintenant prête à réagir de la bonne façon si jamais cette situation devait se représenter. Je suis heureuse et fière d'avoir fini par réagir mais j'ai un peu peur aussi. Peur parce que malgré ma force apparente, malgré la certitude d'avoir gagné contre mon douloureux passé, je sais que le traumatisme est encore là, prêt à refaire surface, prêt à me rappeler des choses que je voudrais tant oublier. Je n'avais pas à subir ce harcèlement moral, quelle que soit mon histoire. Mais il est évident que ce harcèlement a reveillé des souvenirs que croyais maîtrisés. J'ai des flashs de mes agressions. Il m'arrive de me reveiller la nuit en visualisant une scène précise. Certaines phrases assassines tournent en boucle dans ma tête. Si on ajoute à ça toutes les affaires autour du viol, du harcèlement sexuel, j'ai l'impression de ne pas m'en sortir. Rien n'est fait pour nous aider à nous reconstruire. On peut s'en sortir mais il faut être sans arrêt sur ses gardes pour ne pas souffrir. J'ai peur de regarder la télé et de voir des scènes de viol, toujours esthétisées, dans les films et les séries. J'ai peur maintenant d'aller sur Youtube et de me voir proposer des vidéos lol d'agressions sexuelles. Et mille et une autres petites choses de la vie quotidienne qui deviennent des épreuves. Est-ce trop demander que d'avoir le droit de vivre en paix?

samedi 12 juillet 2014

Reprenons-nous! Et occupons-nous de ce qui est VRAIMENT grave

Depuis quelques mois, les affaires de viols et agressions sexuelles sont de plus en plus mises en lumière par les victimes elles-mêmes et leurs défenseurs, on retrouve de plus en plus une dénonciation de la culture du viol. Pas seulement dans les médias féministes, on sait bien qu'ils n'ont rien de mieux à faire que de trouver du sexisme partout mais il semble qu'on assiste aussi à un mouvement plus généralisé d'internautes scandalisés par des pubs, des articles, des affaires judiciaires.
Ca a commencé un peu avec l'affaire des viols collectifs de Fontenay sous Bois et maintenant ça ne s'arrête plus: créations de sites et Tumblr à n'en plus finir pour libérer la parole des victimes (comme Je connais un violeur, projet crocodiles, Polyvalence-mp, Hollaback et bien d'autres encore), déferlante de tweet négatifs et réactions à chaque tentative de faire un peu d'humour, contestation de verdict à Angoulême, marche blanche en soutien à une victime de viol et protestations contre un journal qui pourtant voulait aider les femmes à ne pas être agressées. Rendez-vous compte! On veut prévenir les victimes de viol et on se fait taper dessus parce qu'on ne l'a pas fait comme les victimes et les féministes voulaient.

Nan mais oh! Ca va s'arrêter où tout ça, hein? Vous y étiez vous aux viols de Fontenay sous Bois? A ceux d'Angoulême? Et d'abord un enfant de 6 ans sait parfaitement ce qu'il veut. Vous vous rappelez pas la crise que vous avez piqué parce que le Père Noël vous a apporté un bouquin tout pourri avec des photos de chatons alors que vous vouliez le super vélo rouge que toute l'école vous aurait envié? Vous saviez bien ce que vous vouliez et c'était pas le bouquin à chatons et vous l'avait bien fait comprendre alors hein, arrêtons de déresponsabiliser les enfants ou les personnes reconnues avec un âge mental d'enfant face à des adultes en possession de leur capacité. Nous ne savons rien de ces affaires alors arrêtons de critiquer sans arrêt. Et si il y a requalification de viol en délit sexuel c'est peut-être bien parce qu'il y a anguille sous roche. N'oublions pas que très souvent, quand on fouille un peu dans la vie de la suposée victime on apprend qu'elle ne refuse pas souvent un petit verre de rouge au repas ou qu'elle fume, ou qu'elle a eu une contravention pour ne pas avoir payé le parcmètre, ou qu'elle a un petit ami et ma foi, si elle a dit oui à un elle peut bien laisser faire les autres, ou elle n'a pas de petit ami et ça l'excite de voir des hommes s'intéresser à elle. Ne nous laissons pas avoir par leurs pleurnicheries et leur mines déconfites.
Quant à celles qui ne supportent pas qu'on rende hommage à leur beauté dans la rue, bah pourquoi elles sortent alors? On est en démocratie que je sache! Si la rue ne leur plaît pas elles sont libres de rester chez elles. Et puis franchement, pour qui elles se prennent à refuser les attentions des hommes? Pour Miss Monde? On est en France merde! Le pays de la galanterie et on voudrait parler de harcèlement sexuel? C'est du délire. Quelle femme normalement constituée ne serait pas flattée de savoir qu'on la baiserait bien, qu'elle est belle et bonne et qu'on la mangerait toute crue? Miss Monde vous dis-je.
Et que dire de celles qui se sentent agressées, voire reviolée par des vidéos rigolotes, des blagues tordantes sur le viol? Qu'elles aillent voir un psy. Sérieux faut qu'elles se blindent un peu. Si on ne peut plus parler de viol sur le ton de la gaudriole,si on ne peut plus rire des victimes on va droit vers la dictature.
En attendant il y a de vrais viols en Inde et en Afghanistan et ça oui, il faut que ça s'arrête!
hein? Quoi? Vous demandez si on y était pour savoir que ce sont des vrais viols? Mais c'est une mauvaise blague ou quoi? On vous dit que c'est en Inde et en Afghanistan. Pas besoin d'y être pour savoir que la barbarie y règne. Rien à voir avec ici. Ici c'est la France. La France!!! Le pays des droits de l'homme, du suffrage universel depuis 1792!!
Quoi? On devrait parler de Droits Humains? Et les femmes ne votent que depuis 1944? Oh ben si on chipote pour ce genre de détail on est pas sorti du bois.
Non c'est pas comparable un viol collectif en Inde et un viol collectif chez nous. Là-bas c'est carrément atroce, tellement qu'on peut même pas imaginer alors qu'ici vous admettrez que ce sont des affaires complexes et vous admettrez aussi qu'on compte un sacré nombre de petites salopes allumeuses. Rien à voir entre les 2 cas. Alors un peu de sérieux s'il vous plaît. Arrêtons de nous apitoyer sur le sort de nos femmes.  Il y a urgence à aider celles qui sont vraiment oppressées, celles qui sont là-bas, loin, chez les barbares. Alors reprenons-nous et occuppons-nous de ce qui est vraiment grave: le viol des femmes indiennes et afghanes. Tout le reste c'est du pipi de chat (ou des salopes qui l'ont bien cherché).