lundi 3 décembre 2012

Uterus sur pattes

J'apprends grâce à Euterpe qu'en Inde, une femme nommée Mitu Khurana lutte contre la disparition des femmes en luttant contre les foeticides féminins.
Je n'ignore pas que 150 millions de femmes (au bas mot) sont actuellement "manquantes" en Asie et que le phénomène, s'il commence a être pris en compte par les autorités indiennes et chinoises, s'étend malgré tout à d'autres pays.
Ce qui m'a donné envie d'écrire ce billet c'est le lien que j'ai tout de suite établi avec l'affaire Savita Halappanavar, cette irlandaise décédée suite aux refus des medecins de lui pratiquer un avortement thérapeutique.
L'uterus des femmes ne leur appartient pas. L'avortement peut être imposé ou refusé à volonté selon qu'il serve ou non l'intérêt des mâles.
Et les extrémistes de tous bords sont prêts à tous les stratagèmes pour arriver à leur fin. Ainsi un lien anglophone sur cette femme ultra courageuse explique fort bien la situation de Mitu. Elle est docteure et s'est vu imposé de force un test pour connaître le sexe des jumeaux qu'elles attendait par sa belle famille. Pas de chance, ce ne sont pas des jumeaux mais des jumelles. Elle refuse d'avorter malgré les menaces et les violences qui pleuvent. Aujourd'hui encore elle a peur pour elle et pour ses filles et elle a décidé de lutter contre ces crimes féminicides.
De ce point là le lien est très bien, il montre toute l'horreur de la situation et la necessité d'agir tout de suite pour arrêter ce massacre.
Sauf que entre les différents paragraphes se glissent des invitaions à cliquer sur des "like". Si vous êtes "pro-vie" cliquez ici. Nous invite-t-on.
Or les "pro-vie" sont ceux-là mêmes qui ont condamné Savita Halappanar à mort. Les "pro-vie" sont les amis des touts petits, foetus compris. Soit disant.
Ou ennemis des femmes?

"Nous savons que vous ne voulez pas 'sauver des foetus' mais forcer des centaines de milliers de femmes à risquer leur vie, et en faire mourir quelques milliers, afin de terrifier toutes les autres. Pour qu'elles comprennent. Dans quel monde elles vivent. Qui commande. Où est leur place. Nous savons que vous voulez nous faire reculer sur tous les fronts, et d'abord mobiliser toutes nos énergies sur le front de l'avortement, pour nous empêcher d'avancer, pour nous immobiliser." Christine Delphy

Dans un cas nous parlons d'IVG, nous parlons du cas d'une femme qui ne désire pas poursuivre une grossesse, qui ne désire pas laisser se développer un embryon dans son corps.
Dans l'autre nous parlons de supprimer un foetus identifié comme étant féminin c'est a dire qui naîtra fille. On le supprime car féminin,fille. On le garderait s'il était mâle, s'il était garçon.
Dans le 1er cas, les délais légaux d'avortement sont tels qu'il n'est pas possible d'établir le sexe du foetus. Si les femmes avortent dans les derniers jours légaux c'est dans la quasi totalité des cas parce qu'obtenir une IVG est un véritable parcours de la combattante et que les centres sont débordés. 
En revanche pour pouvoir pratiquer un avortement féminicide il faut avoir déterminé le sexe du foetus c'est à dire à partir de 4 à 5 mois de grossesse.
On n'est pas du tout dans le cas de figure d'une grossesse non désirée dont on veut qu'elle s'arrête mais dans le cas d'une grossesse qui cesse d'être désirée parc que l'enfant à naître ne sera pas celui ou plutôt celle que l'on souhaite.
Si certaines personnes ne voient pas la différence c'est grave. Pour ma part je suis convaincue qu'il s'agit d'une mauvaise foi absolue ayant pour unique but celui que Delpy a si bien décrit et que je remets encore une fois: 

"Nous savons que vous ne voulez pas 'sauver des foetus' mais forcer des centaines de milliers de femmes à risquer leur vie, et en faire mourir quelques milliers, afin de terrifier toutes les autres. Pour qu'elles comprennent. Dans quel monde elles vivent. Qui commande. Où est leur place. Nous savons que vous voulez nous faire reculer sur tous les fronts, et d'abord mobiliser toutes nos énergies sur le front de l'avortement, pour nous empêcher d'avancer, pour nous immobiliser."  

En Inde et en Asie en général où la supopulation est un vrai problème le foeticide et l'infanticide de filles est le moyen adopté pour mettre les femmes à leur place: des pondeuses de mâles. A noter que Mitu est docteure. Ca ne concerne donc pas que les pauvres.
Dans nos pays où la démographie décline il faut pondre à tout prix, même des filles et même si quelques mères doivent y laisser leur peau. Le résultat sera toujours positif pour les machos. D'autant plus que nous laisser naître ne signifie pas que nous soyons désirées. Mais qui laverait les chaussettes? Qui écarterait les cuisses? Qui ferait la popote? Qui torcherait les petites fesses de bébé? Qui irait faire les courses si nous n'étions pas là? 
Au final je me demande qu'est-ce qui est le plus cruel: éliminer de façon délibérer des foetus ou les laisser se développer et naître pour les laisser battre, violer, voler, arnaquer, exploiter?
En France une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint et 1 viol a lieu toutes les 8 minutes. Il me semble qu'on peut bien parler de féminicide.