samedi 19 juin 2010

A quoi sert l'Histoire?

Louis-Georges Tin, maître de conférences à l'Université d'Orléans et à l'EHESS, a publié entre autres le Dictionnaire de l'homophobie (PUF 2003), et L'Invention de la culture hétérosexuelle (Autrement, 2008).

Invité de l'émission France-Culture, « La Fabrique de l'Histoire » il répondait à la question « À quoi ça sert, l'histoire ? » et a pris l'exemple du féminisme.

« A quoi ça sert l’histoire ?
À faire apparaître des processus, là où ne voyons que des résultats.

Or, cette démarche singulière n’est pas sans conséquence. Pour illustrer cette idée, un exemple suffira. Il concerne l’histoire des femmes.

J’ai souvent rencontré des jeunes filles qui me disaient : Moi au moins, je ne suis pas féministe. Je suis même antifémiste. Cette attitude me semblait assez étonnante. Je leur demandais alors : Mais êtes-vous contre le droit de vote pour les femmes, êtes-vous contre l’égalité salariale entre hommes et femmes, ou contre le droit à la contraception ?

Bien entendu, elles répondaient par la négative. Évidemment, elles étaient pour le droit de vote pour les femmes, elles étaient pour l’égalité salariale et pour le droit à la contraception.
Mais d’après vous, leur demandais-je, à qui devons-nous tous ces progrès sociaux ? Ne serait-ce pas, par hasard, aux mouvements féministes ?...


Pourquoi ces jeunes filles vont-elles jusqu’à se dire antiféministes ? Parce que, au-delà du stigmate social qui pèse sur le féminisme en général, on leur a appris, dans le meilleur des cas, l’histoire des résultats. On leur a appris par exemple que, dans sa grande bonté, le général de Gaulle a « accordé » le droit de vote aux femmes à la fin de la seconde guerre mondiale. Or, si on leur avait appris l’histoire des processus, elles auraient entendu une tout autre version. Elles auraient appris que, après plusieurs décennies de combats acharnés, les mouvements féministes avaient finalement obtenu le droit de vote pour les femmes à la fin de la guerre.
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Il n'y a d'ailleurs qu'à voir ce que l'Histoire fait des femmes: elles les efface, tout simplement.
Est-ce qu'on parle d'Olympe de Gouge à l'école? D'Ada Byron? de Mélanie Klein?
L'Histoire des femmes est muette. Pourtant, des femmes qui ont lutté pour se faire une place, il y en a eu. Je vous renvoie d'ailleurs à l'excellent blog d'Euterpe qui rétablit cette injustice en nous présentant des femmes artistes inconnues ou presque de nos jours mais qui ont laissé une oeuvre magistrale.

3 commentaires:

Stéphanie a dit…

Je suis également souvent surprise par ces femmes ou filles qui se proclament "anti-féministes" ou sont fières de ne pas l'être. Parfois, je comprends qu'elles comprennent le féminisme, non comme un mouvement historique, mais comme le pendant féminin du machisme et se veulent simplement antisexistes. Parfois, c'est juste de l'ignorance pure, voire de la bêtise.
Plus généralement, et même s'il est important d'utiliser des mots qui ont un sens, je suis toujours plus heureuse de converser avec des "anti-sexistes" qu'avec les autres. On ne se tape pas dessus, sauf sur la terminologie.

Euterpe a dit…

Merci Alice d'avoir recommander mon blog. En effet, on veut à chaque nouvelle génération nous faire croire que nous sommes des "pionnières" et que nous devons faire nos preuves, que soi-disant les autres femmes avant nous n'auraient rien produit et n'auraient rien acquis. Quel mensonge ! Et quelle bonne facon de décourager le talent féminin. Pas étonnant que le féminisme semble à certaines une sorte de présomption mal fondée!

Alice a dit…

Stéphanie, c'est vrai que le terme "féminisme" est souvent détourné de son sens, complètement galvaudé. J'emploie indifferament les termes "féminismé" et "anti-machisme" puisqu'ils sont synonymes. Mais parfois, on se heurte à de la bêtise pure. Et comme dit le proverbe: on ne peut pas faire boire un âne qui n'a pas soif.

Euterpe, pas de quoi et surtout merci à toi d'avoir ouvert ton blog!