dimanche 1 mai 2011

Contre le harcèlement dans la rue

J'ai visité ou vécu dans plus de 20 pays. Il y en a 3 où je me suis particulièrement sentie "femme", entendre par là objet sexuel à disposition des bitards de passage: la Hongrie (avec ses annonces pour escortes jusque dans l'office de tourisme), l'Allemagne (avec ses ses "salons" où on peut consommer de la chair fraîche femelle tous les 10 mètres en moyenne et son musée de l'érotisme qui montre dans sa vitrine visible par tous les passants depuis la rue une femme à genou avalant le sexe d'un homme) et la France où j'ai grandi et où je me suis pris à 13 ans un voisin qui me montre sa bite (et c'est de ma faute bien sûr, j'ai qu'à pas sortir en short dans mon propre jardin), des insultes et attouchements en pleine cour et devant des professeurs au collège et dans la rue ainsi qu'un viol par un inconnu et où, là encore, c'est moi qui ai bien du faire quelque chose de mal. Mais qu'est-ce que foutais seule à 14h00 en plein centre ville dans une rue bondée? Franchement je vous le demande.

Le site Hollaback est un site contre le harcèlement dans la rue. Sa version française est ICI. Vous pourrez y lire de nombreux témoignages et je vous invite vivement à aller y jeter un oeil.

Pour ma part j'ai envie de vous soumettre ici les commentaires, gestes et réflexions qui m'ont le pus marquée. La quasi totalité s'est passé en France.
Pour info j'ai passé 6 ans au Danemark et je n'ai rien à dire à ce sujet. En rentrant du Danemark j'ai passé 1 an et demi en France. J'ai eu des commentaires presque tous les jours. J'en suis arrivée à avoir peur d'aller travailler et de sortir.

Voici les commentaires que j'ai eu depuis mon entrée à l'université. Soit depuis mes 17 ans. Je vous fait grâce de ce qui m'a marquée auparavant ainsi que des sifflements, salut ma belle, salope tu suces?, les langues qui se lèchent les lèvres à mon passage. Tout ça a été du quasi quotidien.

- Je vais dans un petit cinéma d'art et essai de ma ville dans le sud de la France, en Provence. 2 gars, 15 et 20 ans me suivent depuis un bout de temps. J'entre dans le ciné. Je crois être sauvée. Manque de bol ils entrent dans la même salle que moi.
"Ca te dit un truc à 3?"
Je ne réponds pas.
"Bon alors juste avec mon frère et moi je vous regarde."
Je ne réponds pas mais j'ai envie de hurler et de pleurer à la fois.
"Il baise bien mon frère. Tu veux pas? Je suis sûr que t'es une bonne cochonne."
Le patron du ciné entre et les fait partir: ils n'ont pas payé, ils se sont contentés de me suivre dans la salle.
Ouf!

-"Salut ma belle!"
Je vois un gars d'environ 55-60 ans, j'en ai à peine 17.
"Tu m'appelles demain?" et il m'attrappe par la main direct.
"Dans tes rêves connard"
"Va te faire foutre salope de raciste française la prochaine fois je t'encule direct poufiasse blonde".
Il y a du monde dans la rue. Personne ne réagit et moi je commence à pleurer et à trembler.

-"Bonjour ma belle tu fais quoi ce soir?"
Je ne réponds pas.
"Ah je vois, c'est trop dur de répondre à un noir. "
"Ah je vois, c'est trop dur de voir qu'une femme quelle que soit sa couleur c'est pas de la viande." "Salope!"

- Je suis sur une place assise sur un muret avec une copine. Un gars vient se placer derrière nous et nous enlace par la taille. On se pousse. Il vient s'asseoir à coté de nous. On se pousse. Il se pousse vers nous en nous demandant si on a un copain et qu'on est très jolies. On se pousse en lui disant d'arrêter tout de suite son cirque. Il nous répond que c'est sa culture, qu'il n'arrêtera pas, que quand il veut quelque chose (on est donc des choses) il l'obtient. Ma copine lui sort sa carte pro: elle est flic et elle va l'embarquer. Ca le calme et il s'en va.

-A Tallin, je me ballade seule en ville. En face de moi, 2 filles et à coté un groupe de gars. Ils ne sont pas ensemble. L'un des gars se jette sur une fille et fait semblant de la baiser avec moults gestes avant arrière. La fille hurle, le pousse, sa copine repousse aussi le gars, crie. Je crie. Il fini par lâcher prise. Il se dirige maintenant vers moi. je le regarde droit dans les yeux, tétanisée mais j'essaie de ne pas le montrer. Les 2 filles qui l'ont repoussé sont encore là et le regarde aussi. Je ne le lâche pas des yeux. Ses copains l'appellent. Il part avec eux de l'autre coté.

-A Paris place Trinité d'Orves, près de chez moi. Un gars m'interpelle. J'ai la ceinture de mon manteau qui s'est détachée et qui traine par terre. Il m'avertit donc qu'elle traîne. Je lui dit merci et lui me réponds ceci:
"Tu dis juste merci? Mais je t'encule sec contre le mur la prochaine fois, salope."

-A Paris toujours dans les locaux de la CAF Avenue Jean Jaurès. Un gars passe devant moi dans la queue interminable. Je lui fait remarquer qu'il doit faire la queue comme tout le monde.
"Qu'est-ce que tu dis salope? Je nique Sarkozy moi et je te nique avec et ta mère aussi je la nique sale pute." Les gardes de sécurité de la CAF m'ont demandé à moi de me calmer. A lui il lui ont dit qu'on parle gentiment aux dames.

- En sortant de la CAF (j'ai fini par ne plus y aller seule et à demander à mon copain de m'accompagner à chaque fois, en France en 2009).
4 gars, jeunes, me suivent et commencent à m'entourer, à me sortir des insanités et à me presser de plus en plus. J'arrive à les semer dans la cohue du métro heureusement proche.

-Je suis dans un café toujours à Paris. Je prends un café juste à coté de l'Opéra après une journée entière à visiter des appartements. Je suis seule et fatiguée. Un homme s'assoit à ma table.
"Tu es russe?"
"Non."
"Ah pardon, je croyais que tu cherchais".
"Cherchais quoi?"
"Ben tu sais bien. Mais les françaises aussi sont des cochonnes. Tu cherches alors?"

-Je rentre du cinéma. J'ai vu Teeth. Je suis dans le métro, ligne 1 et je me sens, forte. C'est l'été. Il fait chaud. J'ai une jupe aux genoux et un bustier.
Un gars m'aborde:
"Bonjour ma jolie, ça va? Tu vas où comme ça?" (C'est aussi comme ça que le gars qui m'a violée m'a abordée dans la rue et ne m'a plus lâchée.)
J'ai du avoir le regard de Dawn quand elle va couper le vieux dans la toute dernière scène. Il a changé de rame illico presto.

9 commentaires:

Stéphanie a dit…

Tout ça est glaçant mais merci de ta veille ! Ça m'a inspiré un article, je vais faire suivre sur mon blog d'ici quelques jours.

Cette histoire de jupe me tue. A partir de quand sera-t-on vraiment libres !?

Kalista a dit…

Merci pour cet article, c'est important de rappeler qu'en France, aujourd'hui, on n'est pas libres de circuler tranquilles.
Même les femmes ne savent pas à quel point c'est commun et elles culpabilisent, pensant que ça n'arrive qu'à elles et qu'elles ont dû le chercher.

antisexisme a dit…

Merci pour cet article !

Le problème, c'est que pour beaucoup de femmes, ce harcèlement est considéré comme un compliment !

Être prise comme un objet sexuel est considéré comme quelque chose de valorisant, parce qu'en effet, la femme objet de désir est un modèle souvent utilisée dans les médias (pubs, clips musicaux). C'est à quoi on essaye de nous faire tendre ! Être désirable, c'est soit disant le signe ultime de réussite pour une femme !

Encore tout récemment, j'ai eu droit à un "je peux te toucher les seins, stp". Mais bon, j'avais eu la mauvaise idée de me mettre en robe. Ca montre bien que j'avais une idée derrière la tête. Et maintenant j'ose plus aller toute seule dans la rue la nuit, après m'être faite suivie (et c'est arrivé aussi à beaucoup de copines à moi, c'est tellement flippant !). En vélo, ça va...

Alice a dit…

Stéphanie, super si tu écris toi aussi! C'est comme ça qu'on fait avancer un peu les choses.

Kalista, j'avais parlé de cette journée déjà mais je voulais apporter ma note perso. Je sais que je ne suis pas la seule à recevoir ces propos et comportements et il ne faut surtout pas se taire. Je vais aussi écrire sur leur site.

antisexisme, merci à toi pour tes encouragements.
Ton anecdote ne me surprend pas. Et encore je suis sûre que le gars qui t'a sorti ça a du se croire super top de te demander la permission de toucher.
Effroyable.

Hypathie a dit…

C'est affligeant de voir ça en France aujourd'hui. Moi, c'est plutôt les insultes braillées dans la rue (sous-texte, rentre dans ta cuisine, l'espace public appartient aux mecs !). J'ai eu un voisin qui m'a insultée comme cela pendant des mois alors que je passais et qu'il n'était jamais seul (à cinq on se sent plus fort face à une femme seule) : je me suis plainte à mon propriétaire par plusieurs courriers bien explicites sur le sujet ; j'attends toujours les réponses. En revanche, comme les mecs chez moi ont un balai dans le c..l, ils ont tendance à profaner les scuptures de femmes nues ! Bites dans le dos au feutre, tentative de mettre serviette hygiéniques au bon endroit, divers collages et grafitis ; idem, je me plains (vertement) à ma mairie qui ne répond pas ; ils doivent penser "Quelle histoire !" pour ce qu'ils prennent pour des gamineries. Les femmes ne comprennent même pas, assommées qu'elles sont par leur propre mithridatisation et l'assommoir haineux qu'elles subissent multi-quotidiennement.

Stéphanie a dit…

Mon article : http://regardailleurs.fr/2011/05/02/contre-le-harcelement-de-rue/

Alice a dit…

Hypathie, c'est ça qui est terrible c'est que si on se plaint on passe pour des allumées frustrées alors que les plus frustrés dans tous ça c'est bien les gars qui n'ont rien d'autre à faire que faire chier les femmes.
Là où je me dis qu'il y a un espoir c'est que ce n'est pas aussi présent dans tous les pays.

Stephanie, merci pour le lien!

7nain a dit…

J'ai failli ne pas tout lire tellement ça m'énerve de lire des choses pareilles. Vive le 21ième siècle et la non-évolution...

Alice a dit…

Coucou 7nain! Ca fait plsisir de te revoir par ici!
21eme s comme tu dis, c'est à se poser des questions. Le pire ou le mieux je ne sais pas c'est que je vois bien une différence entre la France et la majorités des autres pays que je connais et où j'ai vécu. C'est donc que ce n'est pas une fatalité, un "besoin irrépressible des hommes" comme certains veulent nous le vendre mais bel et bien une construction sociale.
Je ne sais pas trop comment c'est toi.