Imaginez que quelqu'un vous dise ceci: "Je ne suis pas anti-raciste, je suis simplement pour l'égalité entre les les Noirs, les Juifs, les Arabes, les Asiatiques et les Blancs".
Ca n'a pas de sens, n'est-ce pas? Ne pas être raciste c'est justement être pour l'égalité des peuples, non?
C'est pourtant ce qu'on entend à propos du féminisme.
Le simple fait d'être féministe est tellement évident que je ne suis pas seulement féministe (ou anti-machiste) mais aussi militante car pour moi ne pas être féministe c'est obligatoirement être machiste donc pro femmes battues, violées, prostituées de force, excisées, etc. Se déclarer non féministe mais en lutte contre l'infibulation des fillettes ou soutenir sa voisine victime de violence conjugale relève de l'absurde. Et oui, désolée les gars et les filles mais si vous ne supportez pas les hommes qui frappent leur femme ou leur copine, vous êtes féministes que vous le vouliez ou non.
Encore féministe a crée une rubrique sur son site: comment êtes vous devenu-es féministes. Des hommes et des femmes ont répondu à cette question. Moi aussi:
Comment je suis devenue féministe ? C'est simple. En me rendant compte d'un tas de faits et actes sexistes tout au long de ma vie. Au tout début, je me rendais compte d'une différence fille/garçon. Le plus marquant était que je ne devais pas me salir en jouant pour rester propre, jolie et obéissante comme une bonne petite fille, tandis que les garçons étaient décrits par ma famille comme des casse-cou indisciplinés et boueux. J'y voyais alors, non pas une discrimination, mais au contraire une supériorité féminine. Moi, fille, je suis « propre et sage », comportement plus positif que « sale et désobéissant ». Pourtant, au fond de moi, j'aurais bien aimé courir partout et être pleine de taches d'herbe. Mais j'étais au-dessus.
La première fois où je me suis sentie mal du fait de mon sexe, j'avais sept ans, et c'était pendant le cours du catéchisme. « Le désir te portera vers ton mari et lui te dominera ». À sept ans, la notion de désir est obscure. La dame du catéchisme nous a traduit cette phrase divine par « les filles aimeront leur mari, et les garçons protégeront leur femme ». « Aimer », je n'étais pas contre, mais j'ai eu du mal avec ce « protéger ». Je trouvais cela étrange. Quel rapport entre « dominer » et « protéger » ? Nous avions des cours d'histoire où il était question de lutte contre la domination des peuples barbares vers la recherche de la liberté. Logiquement les femmes ne pouvaient pas être à la fois dominées et libres. Cette recherche de liberté, encouragée pour les peuples, ne devait pas être entreprise par les femmes. Pourquoi ? À noter que la dame du catéchisme était une « vieille fille » et donc libre de tout mari. Je décidai de ne plus être catholique et d'entrer en lutte contre la domination du petit Jésus sur mon sexe.
Je croyais être tranquille, mes parents ne me forçant pas à suivre le catéchisme plus d'un an. Erreur ! Notre manuel d'histoire en CM2 comportait un article du code civil établi par Napoléon : « Le mari doit protection à sa femme. La femme doit obéissance à son mari ». Cela me rappela douloureusement le cours de catéchisme et me fit comprendre que cette obéissance de la femme était présente partout, indépendamment de la religion. Je me jurai de ne jamais me marier pour n'avoir à obéir à personne d'autre qu'à moi-même et, du fait de mon jeune âge, à mes parents.
Suite à cet incident, je remarquai de nombreuses choses que je ne qualifiais pas de sexisme car c'était pour moi un terme encore inconnu mais qui étaient à mes yeux injustes et discriminantes. Comme les remarques et réflexions indiquant que je suis une vraie fille : bonne en français et nulle en maths. D'ailleurs, avant même d'entrer à l'école, je savais que j'étais littéraire et sûrement pas scientifique, car on me le répétait à tout va, en précisant que les scientifiques sont drôlement plus intelligents que les littéraires. Est-ce un hasard si j'étais nulle en maths ? Est-ce un hasard si j'ai pourtant fini avec une mention bien en maths en terminale, alors que mon féminisme montait en puissance ?
Il y a eu aussi les qualificatifs que de nombreux garçons utilisaient pour nous désigner, nous les filles, en cour de récré et même dans la salle de classe, au collège surtout.
Il y a eu les sifflements dans la rue, le bus, le train, les insultes, les blagues sur les femmes, sur les blondes, la prostitution, le viol.
Il y a eu les cours d'économie et sociologie où nous apprenions que les différences de salaire entre hommes et femmes sont une fatalité de la nature.
Il y a eu les affiches publicitaires pornographiques, le fameux porno-chic si humiliant et violent pour les femmes.
Il y a eu les discussions entre copines qui n'ont qu'une hâte : être une vraie femme, c'est-à-dire mariée et mère, et prônant le travail à mi-temps qui leur permettra de pouponner mari et gosses.
Il y a eu beaucoup de choses, parfois graves, parfois insignifiantes, mais allant toutes dans le même sens : contre les femmes. C'est pourquoi aujourd'hui je ne suis plus seulement féministe mais militante. Pour moi, être féministe est une évidence. Se déclarer non féministe, quand on est une femme, c'est comme si un-e Noir-e se disait pro apartheid.
mardi 23 septembre 2008
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4 commentaires:
eh ben bravo, ça fait plaisir de te lire, c'est tellement rare, et pourtant ça devrait être 'normal' ! Moi aussi je suis tellement contente de ne plus être seule. J'sais pas si je t'ai raconté, mais j'ai déprimé le jour précis de mes 40 ans, c'était pas l'horloge biologique (j'étais mère) ni la peur des rides ... je me disais que j'étais au milieu de ma vie et que si ça se trouve,j'allais mourir un jour sans jamais m'être trouvée. Et je m'imaginais, sur mon lit de mort, en train de comprendre ce pourquoi j'aurais été faite, oui mais voilà c'était trop tard. Et cette chose là, c'était le féminisme. Le jour où je suis tombée dessus au travers d'internet, le jour où on m'a mis internet j'ai tapé ce mot là en 1er et ça s'est ouvert à moi, j'ai compris ... c'est bizarre mais c'est comme ça ! depuis mes anniv' ont un goût normal ;o)
merci pour cet article Alice, il me touche et et sonne juste.
Ca m'a fait du bien de le lire.
merci aussi pour ton poste Emelire.
jvvlee
emelire, heureuse de voir que tu ne déprimes plus! Ce n'est pas toujours facile de se trouver, surtout dans le monde machisme où nous sommes. C'est vrai que c'est un soulagement de voir que nous ne sommes pas seules.
jvvle: merci à toi. Ca me touche énormement ce que tu dis.
:)
jvvlee
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