jeudi 19 février 2009

Paroles de femmes


J'ai lu ce livre de Jean-Pierre Guéno d'une traite il y a déjà quelques temps. Presque tous les passages sont forts car tous retracent une histoire de femme vécue. Celles qui m'ont le plus marquées sont celles pour la lutte pour le droit à l'avortement, le droit à l'indépendance, le droit de vivre pour soi. Mais il y a un passage qui m'a touché encore plus que les autres. Il s'agit de la lettre d'une jeune femme violée à sa mère. En voici un extrait:

"Je t'en veux d'avoir fait de moi une femme, un pantin, une femme, un rien...Je t'en veux parce que Luc (le frère ainé) , il a tout son corps et ses cours de judo pour se défendre. Il a d'être un homme et de parler fort et de décider...
...Je t'en veux de t'être réjouie le jour de ma naissance en pensant: c'est une fille, on va lui nouer des rubans aux cheveux, à l'enfance, à l'âme et l'habiller de vanille pour sa douceur. Ma condition vanillée, je l'ai payée aller-retour et sans sommation. Il ne fallait pas me laisser vivre, il fallait y penser que fabriquer une gamine c'est injuste et que ce monde là il les traverse trop violent et trop précis."

Ces mots là ont raisonné en moi un long moment. Je n'ai pas de frère mais j'ai bien vu avec les petits camarades de classe la différence entre eux, les mâles et moi la femelle.
Et oui, j'en veux à mes parents de m'avoir eue sans réfléchir à ce qu'est ou ce que peut être la vie. A m'avoir eue sans s'être demandés si ils étaient prêts à affronter les réalités de la vie avec moi. Et c'est ça qui me révolte quand je vois des couples qui attendent un enfant. Si peu ont pensé aux accidents, aux maladies, aux agressions. Quand ça arrive, toujours la même réponse "Mais c'est trop dur. On n'était pas préparé à ça".
Sauf que nous, on ne peux pas dire "c'est trop dur pour faire face, je pars". Non. Le mal est là. On ne peut pas y échapper et nous sommes condamné-es à l'affronter seul-es alors que nous n'avons jamais rien demandé à personne. Ma boulimie, ma dépression c'est seule que je les ai affrontées. Mes insomnies, mes angoisses présentes c'est aussi seule que je leur fait face. Et Skat, qui me soutient comme jamais personne ne l'a fait, se prend souvent mes angoisses en pleine figure alors qu'il n'y ait pour rien dans tout ça.

Mais j'en veux aussi à la société. Parce que si ma famille n'a jamais réfléchi, la société m'a-t-elle soutenue?
Ce n'est pas ma famille qui est venue sussurer à mes "camarades" de classe garçons de venir me lancer des "salope, on va te ramoner la chatte" dès mon entrée en 6eme
Ce n'est pas ma famille qui contacet les chaînes télé pour leur suggérer de mettre plus de remarques sexistes dans leur programme
Ce n'est pas ma famille qui va coller des affiches avec des femmes-objet dans les abri-bus
Ce n'est pas ma famille qui a inventé toutes les blagues sur les blondes
Ce n'est pas ma famille qui est allé dire à mon violeur d'utiliser ce stéréotype de la blonde pour justifier ce qu'il me faisait
Ce n'est pas ma famille qui a légiféré sur la déqualification du crime de viol en délit d'attouchement
Ce n'est pas ma famille qui a décidé qu'à diplôme égal les femmes doivent gagner 20% de moins qu'un homme
Ce n'est pas ma famille qui a décidé d'une minute de silence à l'Assemblée Nationale en la mémoire d'un député batteur-assassin de femme
Ce n'est pas ma famille qui concocte tous les mailings au bureau où les blagues salaces machistes sont de mises
Ce n'est pas ma famille qui a fait passer la loi sur l'inscription de foetus à l'état civil
Ce n'est pas ma famille qui me regarde soi avec pitié soit avec reproche après connaissance de mon histoire

Non, c'est tout un ensemble qui fait de nous des moins que rien, des coupables de tous les maux possibles et imaginables, que ce soit dans la société, la famille, le travail, le domaine politique, la Justice. Tout est interdépendant et ce n'est pas parce qu'on aura une famille compréhensive et aimante que l'avortement ne sera plus menacé, que les crimes sexuels ne seront plus minimisés.
Tant que la société dans son ensemble fera de nous des filles à rubans roses, la violence machiste perdurera.
Et oui, fabriquer des gamines c'est injuste. C'est même sadique.

6 commentaires:

ennA a dit…

Ce n'est pas ma famille qui est venue susurrer à mes "camarades" de classe garçons de venir me lancer des "salope, on va te ramoner la chatte" dès mon entrée en 6eme

Malheureusement, je pense qu'aucune d'entre nous, avons été à l'abri de ce genre d'insultes à l'école. A cause d'une réflexion comme celle-ci, je n'ai pas voulu reprendre à pied le chemin qui me conduisait à la médiathèque pendant plusieurs mois.
Désolée pour ce commentaire très personnel sur ton blog!

Alice a dit…

Pas besoin d'être désolée, les com c'est aussi fait pour ça.
C'est terrible de devoir s'interdire de vivre normalement à cause de réflexions aussi dangereuses. C'est pour ça que maintenant je réagis chaque fois que je peux. Cette violence verbale est tout simplement inacceptable.

Anonyme a dit…

whaouh ! tu balances sec ^^ bah tu sais en mettant un enfant au monde les gens espèrent ne pas regretter de transmettre la vie. Un garçon il peut lui arriver des tas de saloperies. Il peut aussi arriver la guerre. Je pense que dans notre société quand même, quelque chose est possible. Si qq chose de bien est possible entre un homme et une femme qui respectent chacun-e leur liberté, si ce qq chose de bien se concrétise par la naissance d'un-e enfant, est-ce que ça ne symbolise pas une forme d'espoir ? on peut voir aussi les choses comme ça. On peut se dire que si nous nous en sommes sorti-e-s (de quelque violence que ce soit, difficulté, etc.) alors ... un-e enfant donc un-e futur-e adulte en est tout aussi capable ? A mes yeux un-e enfant ça peut être aussi une manière de refaire une vie, en mieux bien entendu. Sachant qu'un-e enfant est une "formidable" loterie ... il n'y a aucune certitude. L'espoir fait vivre et ça c'est très très vrai je trouve. ET aussi avoir des enfants n'est qu'une possibilité ici... en rien une obligation et heureusement.

Alice a dit…

Emelire, je t'aprouve dans ce que tu dis.Ce que je dénonce avant tout c'est d'avoir des enfants sans avoir réfléchi à tout ce que ça implique. J'ai été plus que choquée, traumatisée par des hospitalisations que j'ai eues enfant et où j'ai rencontré des enfants gravement handicapé-es totalement abandonné-es par leur famille parce que c'était trop dur. Je comprends que ce soit dur de voir son enfant souffrir mais ça ne justifie pas de le ou la laisser seul-e. Et le pire c'est que les gens ne plaignaient pas les enfants abandonné-es mais leur famille. Pourtant qui était sans pouvoir bouger sur un lit? C'était pas les parents et le gosse lui ne pouvait pas dire "j'en ai marre c'est trop dur je m'en vais". Le gosse il devait faire face. Coûte que coûte.
Je ressens la même chose en voyant ces gens féminiser leur fille et masculiniser leur fils. On ne naît pas femme, on le devient. Et c'est tristement vrai.Une petite fille qui va oser répondre et se défendre c'est encore mal vu. Une fille c'est joli et sage. Point. Alors qu'un garçon bagarreur ça va faire la fierter des parents. Et ensuite on reproche à ces mêmes filles d'attirer les mâles par leur féminité excessive et de ne pas savoir dire "non" assez fort. Soumise ET pute quoi.

Anonyme a dit…

C'est un article très touchant.
Je ne me sens pas de le commenter longuement parce que les mots ne suffiraient pas pour dévoiler tout ce que j'ai ressenti à la lecture de cet article...

Anonyme a dit…

alice, sois sure que ta boulimie et ta depression, je les ai faits et partagés pr les mm raisons que les tiennes..il est affreux oui de naitre fille, dans une société qui contrairement à la suéde qui doit être le modèle de nos civilisations arrièrées encore par rapport à eux contraint encore et tjrs ses femmes par ttes sortes de moyens insidieux ou comme tu les a listés mm officiels. moi perso j ai hurlé sur sarko avt que sa femme le plante pr la parité, les francaises et les nounous..et en tant que blonde, j ai ete agressée sur paris par des arabes défendus pr un flic du 15ème tunisien..ds une soirée, gratuitement, menacée aussi de viol ds ma rue tjrs ds le 15éme, ms j ai attaqué à coup de clés ce crétin..les flics la encore m ont dit, faites gaffe à ne pas le blesser, il porterait plainte.., et quand un certain georges panayotis m a fait chuter ds son escalier avec trauma cranien pr moi parce qu il m avait fait un bras d honneur ds la rue qd je cherchais une place de voiture et que je venais lui demander pourquoi..la aussi le meme commissariat a refuse de prendre ma plainte, en disant que j avais glissé toute seule. Il n y a rien à attendre des flics qui st des pourris, surtt là bas, il n y a qu à avoir de bons avocats et les moyens de se defendre en justice avec une protection juridique et le reflexe de demander tjrs des comptes au plus haut niveau. Nous sommes bcp de victimes, mais rejoindre au maximum des associations fera aussi un jour pencher les choses ds le sens de plus de respect et de réactions au sexisme. Il faut rebâtir entre filles déjà le sens du féminisme car dire que nous sommes égaux dès le départ est un moyen de ne rien faire pour rendre vraiment égaux les parcours..c est un piège qui bloque les révolutions à faire encore.
Il faut ensuite que ts les mouvements s allient pour peser encore et toujours plus en tant que tels en politique.