samedi 17 mai 2014

Humour

Voici un billet que j'ai rédigé d'un trait parce qu'il fallait que ça sorte il y a déjà quelques semaines. Je ne l'avais pas publié parce que ma batterie était morte et je n'avais pas eu envie de le relire de suite après. Je le publie tel quel aujourd'hui.

"Humour". Voilà le mot magique qui permet tout, autorise tout, même de banaliser les violences sexuelles.
Je ne suis pas la 1ere à réagir à la vidéo de Rémy Gaillard. C'est sur le site Madmoizelle que j'ai lu la 1ere réaction et quand j'ai vu ça moi aussi je me suis surprise à me dire qu'au moins il ne les touche pas, contrairement à l'autre Plaie Pley.
Non mais sérieusement, il faut que je me rassure dans mon envie de gerbe avec des "il les touche pas"???? Comme s'il fallait lui décerner la médaille du gentleman? Et il faudrait en plus que j'en ris????
Je suis prude et sans humour. Et ça serait ça mon problème.

Mettons les choses au clair une bonne fois pour toute. Ne pas rire à une bonne blague c'est en effet manquer d'humour ou ne pas avoir ce genre d'humour. Ca n'a rien de grave. Je n'ai pas ri aux vidéos de Mario kart. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle. Je n'ai pas suivi plus les vidéos de ce n'importe qui comme il aime se définir lui même. Je n'ai pas ce genre d'humour. On ne peut pas plaire à tout le monde. Je n'ai donc pas ri. Et c'est tout. Ca n'est pas grave. Je ne suis pas obligée de rire de tout et les amuseurs publics ne sont pas obligés de faire rire tout le monde.
Concernant free sex en effet je n'ai pas ri non plus. Le problème c'est que n'ai pas ri pas parce que ce n'est pas drôle mais parce que ça m'a fait mal. Ca m'a fait mal de voir des femmes sur lesquelles on mime des actes sexuels en plein jour, en pleine rue comme pour me rappeler que je ne suis et ne serai jamais rien d'autre qu'un sex toy et que ma liberté d'être seule dans l'espace public est à ce prix, quoi que je fasse: que je me ballade, que j'aille bosser ou que je fasse les courses. C'est ma réalité, notre réalité pour des millions de femmes d'être reluquées, jaugées, jugées, sifflées, insultées, tripotées, agressées et même violées. Et c'est censé être drôle. Je n'en peux plus. Le harcèlement et les agressions ce n'est pas drôle, ce n'est pas lol, c'est douloureux. Oui, c'est douloureux, ça fait mal. Ca n'a rien avoir avec de l'humour. Le risque n'est pas de ne pas rire mais de souffrir. Il faut que je ressorte une fois de plus les statistiques officielles sur le harcèlement de rue? les violences sexuelles? Sur leur conséquences? Je n'en peux plus de ne pas pouvoir échapper a ces images qui me rappellent à chaque fois mon histoire, bien réelle elle pour le coup et malheureusement bien banale puisque nous sommes au bas mot 75000 chaque année en France à la subir.  Je n'en peux plus de me prendre en pleine gueule que ce qui me tord le ventre est glamour, rigolo, pas bien grave. Ah oui parce qu'en plus le gars en question dit qu'il y a plus grave que sa vidéo. Parce qu'il se permet de parler pour nous en plus. Ca me rappelle quand j'ai voulu déposer plainte 6 ans après les faits et revenir de l'étranger pour le faire "Vous allez revenir pour ça?". "Ça" revenir pour "ça"!!!!!! "Ça" a bousillé ma santé physique, mes choix d'études, mes projets. ma plainte m'a coûté mon travail (français au passage). "Ça" est toujours là alors que j'ai un chouette boulot, des ami-e-s, un compagnon, des projets, un environnement assez non sexiste. "Ça" est toujours là parce qu'il y a toujours un article, une vidéo, une pub, une affiche, un commentaire qui vient à moi sans que je le demande pour me rappeller "ça". Pour me signifier encore et encore que je suis tolérée dans la rue uniquement en tant qu'objet disponible et que je suis prude ou coincée ou mal baisée pour oser dire que je veux juste avoir la paix. Je réclame juste le droit de ne pas avoir mal quand je me connecte à internet, quand je sors, quand je vaque à mes occupations sans rien demander à personne. Je réclame le droit de ne plus être assaillie par des liens, articles suggérés, vidéos les plus vues et autre conneries du genre comme si j'étais pas foutue de chercher moi même ce que je veux voir. Mais c'est vrai hein, qu'est-ce que je suis conne de ne pas me pisser dessus de rire devant une vidéo qui me rappelle le bon vieux temps où, à 10 ans, 3 garçons de 13 ans me foutaient l'un un couteau sous la gorge et les 2 autres des stylos dans les fesses en pleine cour du collège. Qu'est-ce que je suis prude de ne pas hurler de rire devant une scène qui me rappelle que 10 ans plus tard c'est en plein après midi dans une rue bondée que mon violeur m'a abordée et plus lâchée jusqu'à ce qu'il finisse par faire ce qu'il voulait. Parce que c'est ce qui me vient en mémoire quand je vois ta super vidéo qu'il y a pire, Rémi n'importe qui. Et c'est insupportable. C'est insupportable de savoir et de voir que des gens rient de ce qui me tue, qui nous tue à petit feu, parce que je ne suis pas la seule concernée malheureusement. On est des milliers. Chacune de ces agressions pour le lol, chacune de ces bonnes blagues sur le viol que l'on entend de plus en plus sans aucun complexe me renvoie ma propre expérience à la figure et le fait que ce que j'ai ressenti comme une torture fait se tordre de rire les gens normaux. Je ne suis pas normale de ne pas rire de ce qui me rappelle mon viol. Il faudrait d'ailleurs vite me soigner en...me reviolant. parce que qu'est-ce que je suis conne en plus, il faut s'y prendre à plusieurs reprises pour que je ferme ma gueule pour de bon et que je comprenne bien que le viol c'est trop cool et que c'est ce que toute femme attend. Non parce que qu'est-ce que ça sous-entend des commentaires genre "vous prendre un coup de queue plus frequemment ne vous ferez pas de mal"? Moi je comprends qu'il faut que je me prenne des coups, donc de la violence, mais qui plus est sexuelle puisqu'il faut qu'il y ait une queue. En gros je suis coincée et prude parce que je n'ai pas été assez violée. Après ça ces grands comiques vont nous sortir que la culture du viol est une invention des féministes mal baisées. Ben j'ai envie de dire en effet, j'ai été mal baisée parce qu'un viol c'est pas de la bonne baise. Un viol c'est pas lol et représenter un tel crime sous prétexte d'humour c'est envoyer aux victimes le message qu'elles auraient du aimer ça et surtout, surtout que leur souffrance n'existe pas, qu'elles n'ont qu'à ce taire et à encaisser et tant pis si elles en crèvent parce que qu'est-ce que c'est bandant et drôle de voir des femmes sexuellement agressées.

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