Le harcèlement de rue, en France, je l'ai toujours vécu. Depuis que je ne sors plus systématiquement accompagnée par mes parents (oui ils étaient sans arrêt sur mon dos avant que je ne quitte leur maison pour mes études mais c'est un autre problème). Je ne suis pas la seule. Je ne compte plus les récits des copines et connaissances qui finissaient souvent par renoncer à sortir, à s'inscrire à un cours à l'autre bout de la ville et restreignaient ainsi leur liberté.
Depuis une agression à Lille, les médias semblent s'indigner de la non assistance aux victimes. Quand je parle de médias je veux dire les médias traditionnels parce que les médias anti-sexistes se sont déjà attelé au problème mais le public touché par ces derniers paraît restreint.
Je ne peux que me réjouir de voir ce thème faire la Une des grands journaux et tant mieux que la victime ait eu ce soutien. Malgré tout, cette médiatisation a un goût bien amer.
Pourquoi réagir juste maintenant à cette agression précise? Des femmes qui sont suivies avec insistance et menaces dans l'espace public ça arrive TOUS LES JOURS. J'ai été suivie 5 fois au cours de ma vie avec insistance, c'est à dire sur plusieurs mètres pendant plusieurs minutes et une fois plusieurs heures. Sur ces 5 fois l'une s'est terminée en attouchement sexuel, une autre en viol, après avoir été suivie des heures. Oui, des heures en plein centre ville, en plein après midi, avec plein de gens autour. Je ne compte plus les filles de la fac qui disaient devoir faire des détours pas possible pour éviter d'êtres suivies par des gars qui n'avaient de toute évidence rien d'autre à faire. Et je ne parle ici que des cas où l'on est suivie. Les remarques, commentaires, insultes, menaces proférées par ces "galants à la française" lorsqu'on les croise dans une rue sont encore plus largement répandues. Le soutien des témoins présents? Aucun. Des sites comme Hollaback ou projets crocodiles qui permettent aux victimes de ce harcèlement de rue de prendre la parole et de dénoncer ces actes montrent bien que les victimes n'ont souvent aucun soutien et sont en plus casi systématiquement culpabilisées.
Alors pourquoi se réveiller maintenant? Peut-être parce qu'il faut le cas "de trop". C'est ce à quoi je veux croire. Pourtant j'ai tendance à penser aussi au cas alibi. Quand j'ai appris par les médias l'agression de Lille et l'inertie des passagers témoins qui étaient dénoncée mon premier réflexe a été de me dire : Mais si ça choque que personne n'ait réagi lors de cette agression, pourquoi est-ce que ça ne choque pas que personne ne réagisse aux autres cas? Ou alors tout le monde est persuadé que les témoins interviennent dans les autres cas? Ou peut-être que les gens croient que ces agressions sont rarissimes? A la lecture de plusieurs articles, il m'a été donné l'impression que d'ordinaire les gens réagissent et de ce fait se posait la question du pourquoi dans ce cas là personne n'avait daigné bouger. Un peu comme si au travers de ce cas, l'opinion publique voulait se donner bonne conscience en matière de harcèlement de rue en le sur médiatisant (donc en le reconnaissant) et en oubliant de mentionner les autres cas. Ne pas mentionner que ce genre d'agression est légion, oublier les autres cas et les autres victimes c'est nier l'existance du harcèlement de rue à un niveau de fait de société pour le mettre à un niveau de cas isolé. C'est ce qui arrive avec les viols. On veut nous faire croire qu'il s'agit d'actes isolés perpétré par des déséquilibrés. Or on sait qu'il y a au bas mot 1 viol toutes les 8 minutes en france. Il me semble que ça fait beaucoup pour des cas isolés et ça fait beaucoup de déséquilibrés. Je n'ai pas la fréquence des actes de harcèlement de rue mais j'imagine qu'il s'en produit des dizaines par minute. Il n'y a guère que la Dre Muriel Salmona pour avoir rappelé dans ses articles que l'agression de Lille est loin d'être unique. Heureusement qu'elle est là pour le rappeler. Heureusement aussi que de nombreux sites en font l'écho et donne un peu de légitimité aux victimes.
Quoi qu'il en soit, que cette agression soit celle de trop ou l'alibi bonne conscience, il ne faut pas que l'attention médiatique retombe. Il faut au contraire continuer de parler de ce fleau et le combattre concrètement. Le harcèlement de rue n'est pas une fatalité. La France n'est pas le seul pays concerné mais il est beaucoup moins répandu dans certains endroits. Il faut arrèter avec l'idée que suivre une femme, la siffler, la commenter sur son physique sans qu'elle le demande, lui dire des insanités c'est de la drague, voire de la galanterie, cette fameuse galanterie française. Ce n'est pas de la drague, ce n'est même pas de la drague lourde mais des agressions. Et il ne faut pas fermer les yeux devant une agression.
Une pétition est en ligne pour exiger plus de sécurité quant aux violences sexuelles dans les transports en commun. Petites remarques quand même: c'est très bien d'avoir de telles plateformes de pétition mais il serait peut-être temps de parler de droit humain, comme dans toutes les autres langues. Et je tique toujours sur la photo représentant une femme violée, toujours jeune, jolie, la bouche entrouverte et les yeux mi-clos. Sincèrement, je ne me suis pas regardée dans un miroir pendant mon viol mais je suis certaine de ne pas avoir eu cette tête et cette expression là. J'étais je pense beaucoup moins glamour. Est-ce pour ne pas trop rebuter un public pas très au fait quant à la thématique du viol?
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