Voici la traduction d'un article de Bob Herbert publié dans le New York Times le 7 août dernier à propos de la tuerie qui a eu lieu en Pennsylvanie le 4 août dernier:
"Dans les faits, je suis un beau gars. Je m’habille bien, je me rase, me lave, me mets de l’eau de Cologne. Pourtant, 30 millions de femmes m'ont rejeté», a écrit George Sodini dans un blog qu'il rédigeait tout en préparant la tuerie [du 4 août] dans un gymnase de Pennsylvanie où il a tué trois femmes, en a blessé neuf autres puis s’est suicidé.Nous avons assisté si souvent à ce rituel tragique qu’il nous donne l'impression d'un cliché. Un type bout de colère contre des femmes, et il dispose d'armes à feu. Résultat: un massacre.
À l'automne 2006, un salopard a investi une école primaire de la collectivité Amish, dans la campagne de Pennsylvanie. Il a séparé les filles des garçons, a tiré sur dix filles, et en a tué cinq.À l’époque, j'ai écrit que, si quelqu’un avait séparé ses futures victimes selon leur appartenance raciale ou religieuse pour ensuite n'abattre que les personnes noires, ou blanches, ou juives, on aurait entendu s'élever un tollé assourdissant. Mais quand seules des filles ou des femmes sont tuées, le tollé est beaucoup plus discret.Selon des comptes rendus de police, Sodini est entré dans un cours de danse aérobic donné à une trentaine de femmes par une professeure enceinte. Il a éteint les lumières et ouvert le feu. La formatrice figure parmi les blessées.
Nous sommes tellement habitué-es à vivre dans une société saturée de misogynie que nous estimons plus ou moins prévisible que des femmes et des filles soient traitées de façon barbare. Face à l'un ou l'autre de ces crimes sortant de l’ordinaire, nous proclamons certes notre stupeur, mais l'effet de choc se dissipe rapidement dans une société où le viol, le meurtre et l’humiliation des femmes constituent non seulement une constante de l'actualité mais l'un des fondements du divertissement national.La culture dominante fait preuve de la misogynie la plus outrancière, et la pornographie, industrie brassant des milliards de dollars, est contrôlée en majorité par de grandes entreprises américaines à la réputation irréprochable.Quand on examine des meurtres de masse commis aux États-Unis, on constate chaque fois que les tueurs sont taraudés par la honte et l'humiliation sexuelle, et quÕils reportent systématiquement ces sentiments sur les femmes et les filles. Pour résoudre le problème de leur sentiment d’impuissance, ils se procurent une ou des armes à feu et se mettent à tuer le maximum de gens, des femmes pour la plupart.Ce qui est inhabituel dans le cas de Sodini, c'est qu'il a exprimé clairement dans son blog son sentiment de honte et sa haine des femmes.«Pourquoi faire cela?», demande-t-il. «Pourquoi à des jeunes femmes ? Lisez la suite.» Dans son monologue macabre qui s'étale sur des mois, il en vient à écrire, entre autres : «Il semble que beaucoup de ces adolescentes baisent souvent. Il y en a une de 16 ans qui le fait habituellement trois fois par jour avec son copain. Alors, en moins d'un mois, cette petite salope a eu droit à plus de sexe que MOI dans TOUTE MA VIE, et j'ai 48 ans. Une raison de plus.»
Cela me rappelle Seung-Hui Cho, l'homme qui a tué 32 personnes à l'université Virginia Tech en 2007. Même s'il a abattu des hommes et des femmes, on sait que Cho avait auparavant harcelé des camarades de classe, allant jusqu'à se glissee sous les tables pour les photographier par en-dessous. Un de ses ex-camarades de chambre a témoigné que Cho avait prétendu lire " la dépravation " dans les yeux d'une femme croisée sur le campus.
Peu après les assassinats de Virginia Tech, j'ai interviewé le Dr James Gilligan, qui a consacré plusieurs années à étudier la violence, en sa fonction de psychiatre d'un pénitencier du Massachusetts ; il est aussi professeur à Harvard et à l’Université de New York. Ce qu'il conclut après des décennies de travail auprès de meurtriers, violeurs et criminels violents de tous genres, c’est qu'«un facteur fondamental, qui se retrouve presque toujours à un degré ou un autre chez ces hommes, est le sentiment de devoir prouver sa virilité et que la façon d'y arriver, de retrouver le respect perdu, est de commettre un acte de violence».
La vie aux États-Unis est d'une violence effrayante. Mais nous devons prendre particulièrement conscience des violences spécifiques infligées quotidiennement aux femmes et aux filles de notre pays, en raison de leur sexe. Elles sont attaquées en tant que femmes.Toutes les deux minutes, quelque part aux États-Unis, une fille ou une femme est agressée sexuellement. Le nombre des épouses et des partenaires gravement agressées est si élevé que pas un organisme n’arrive à en établir le compte. Des agressions sexuelles de femmes ont été commises en si grand nombre dans l'armée que le ministère américain de la Défense a dû réviser tout son protocole de traitement du problème. Nous deviendrions une société beaucoup plus saine et équilibrée si nous faisions l'effort de reconnaître que la misogynie est un problème grave et très répandu, et que l'addition de la perception pervertie des femmes qu'ont autant d’hommes et de l'absurde facilité à se procurer des armes à feu est tragiquement dangereuse.
Merci à Martin Dufresne pour le signalement et la traduction.
samedi 22 août 2009
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1 commentaire:
tu as raison ! ce sont surtout les armes à feu qui me font peur, elles laissent l'opportunité de péter les plombs et depasser à l'acte à tous ces malades !
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