lundi 2 août 2010

Féminisme, Polanski et compagnie

Personne n'ignore l'existance de pétitions de soutien à Polanski et le fait que celles-ci aient été entendues puisque la Suisse n'extradera pas cet individu.

Je pars du principe que puisqu'il y a 75000 viols (en France), il y a 75.000 victimes de viol et par conséquent 75.000 violeurs. En effet je n'imagine pas qu'un seul hommme (je dis homme car 99% des viols sont commis par des hommes) puissent violer 75.000 femmes (je dis femmes car 97% des victimes sont des femmes, je n'ignore pas pour autant les victimes hommes) à la suite.

Si tout le monde connaît au moins une victime de viol, tout le monde connaît aussi statistiquement parlant un violeur voire plusieurs. Considérant cela, il est donc tout à fait normal que des milliers de voix s'élèvent en faveur des violeurs.
En effet, je réfute catégoriquement le discours qui place cette affaire sur les riches vs les pauvres et la théorie selon laquelle le citoyen lamda aurait été sévèrement condamné. Les victimes de tournantes dans les caves des cités devant démménager pour échapper aux représailles de leur violeurs et de leur famille en sont un exemple parmi beaucoup d'autres.
C'est un problème de partriarcat et de domination masculine.

Ce qui me révolte quand même c'est que des personnes osent signer une pétition pour soutenir un violeur qui plus est pédophile.
Et oui, quand on saoûle, drogue et sodomise une adolescente de 13 alors qu'elle a clairement dit "non", c'est un viol. Point barre.
Les violeurs, ce n'est pas nouveau, sont toujours excusés de leur acte et la faute retombe immanquablement sur la victime. C'est un fait. Mais le viol restait un sujet tabou. On ne se vantait pas d'avoir un violeur ou un pédophile dans la famille. D'ailleurs, on réduit la victime au silence pour éviter le scandale, pour ne pas que ça se sache.
Avec ces pétitions, le soutien aux violeurs et aux pédophiles est clairement manifesté.
On est passé d'une acceptation tacite du viol à sa revendication.

Et pourquoi? A mon avis pour protéger le patriarcat qui gère nos sociétés.
Depuis quelques années, les langues se délient. Les victimes osent parler un peu plus. Cela reste le parcours du/ de la combattant-e de porter plainte pour viol mais le travail de quelques associations de défense des victimes tentent tant bien que mal de déculpabiliser les victimes et de les pousser à parler.
Actuellement, en France, 1 viol sur 5 est reporté à la police. Sur ceux qui sont reportés, seul 1 sur 5 finira par une condamnation aux Assises. C'est ridiculement peu. Et les condamnations prononcées sont souvent bien en-deça des peines prévues par le code pénal. Sans parler du lynchage que l'on fait subir à la victime: salope, mythomane, nymphomane, et j'en passe. Mais c'est encore trop pour les gardiens de l'ordre patriarcal.
Imaginez! On fais des études, on travaille, on avorte, on choisit notre sexualité et nos partenaires, on choisit de faire un enfant ou non. Que va-t-il rester comme prérogatives aux mâles qui ne voient pas plus loin que le bout de leur bite?

Alors tout est fait pour nous rabaisser, nous discréditer. On justifie les différences de salaire à cause des enfants qu'on aura, qu'on a ou qu'on a eu. On plaint l'homme qui a tué sa femme parce qu'il était malheureux et a agit par passion amoureuse. On parle de relations sexuelles non consenties pour désigner ni plus ni moins qu'un viol.

Etonnant ce glissement sémantique concernant le viol: affaire de moeurs, relations sexuelles non consenties, petite gâterie, elle disait un "non" qui voulait dire "oui", etc.
Le terme qui revient le plus souvent est celui de "relations sexuelles non consenties". Je ne sais pas pour vous mais pour moi une relation sexuelle indique un acte sexuel réalisé par 2 personnes consentantes. S'il n'y a pas de consentement, c'est forcément un viol. Or, un viol n'est pas une relation sexuelle. Ce n'est plus une relation mais un rapport de violence et de domination. Il n'y a rien de sexuel là-dedans, juste la volonté d'humilier et de détruire la femme (je dis femme aussi car dans de nombreux cas de viols d'hommes, ceux-ci étaient traités de "salope", "pute", "parfois "gonzesse" par leur violeur. C'était donc leur supposé coté "féminin" à l'origine du viol).

Sauf que parler de relation sexuelle non consentie n'a pas le même impact que le mot "viol". Un viol, c'est horrible. C'est pour l'Afghanistan, les barbares. Chez nous, on a des salopes qui ne savent pas ce qu'elles veulent et qui l'ont bien cherché et on a des relations sexuelles non consenties. Ca fait de suite plus civilisé.
Le pouvoir des mots, le pouvoir de nommer! (je vous renvoie à la lecture de "Pouvoir et violence sexiste" où la question du pouvoir qu'ont les hommes de nommer les choses, les actes est très bien développée et expliquée).

Le but de ces rabaissements, de ces discrédits est bel et bien de nous fermer le clapet et de nous faire accepter l'inacceptable. C'est alors à nous, victimes et toutes personnes pro-égalité de ne pas céder, de ne pas baisser les bras et de continuer à faire sortir de l'ombre les victimes, de faire entendre leur discours, diffuser leur parole. De la même manière que les violeurs et de nombreux individus qui ne violeront jamais diffusent un message de justification quant aux pires violences.
Et je crois que l'on peut y arriver. J'en suis même sûre. D'ailleurs, des cas comme celui-ci , même s'il m'affectent profondemment au début, finissent par me donner une force et une énergie incroyable. Energie d'autant plus forte que j'ai jeté un oeil sur ces pétitions de la honte. Je n'ai pas été déçue. Et là, je me repose la question: c'est quoi le féminisme?

Nous savons tous et toutes qu'il y a plusieurs courants féministes, que nous ne sommes pas toujours d'accord sur tous les points, nous savons aussi que le mot en lui-même est un gros mot, exemple: "je ne suis pas féminsite, mais..."
Et puis il y a aussi celles et ceux qui se disent féministes, le revendiquent, militent même et en arrivent à signer ces pétitions de la honte. Et oui, parmi les signataires il y a des membres d'asso et groupes féministes au sein desquels je milite.
Ma définition du féminisme est la suivante: un humanisme en faveur de l'égalité entre tous les êtres humains et du respect, de la liberté et de la dignité de chacun-e.
D'autres féministes auront sûrement d'autres définitions et celles-ci seront tout aussi valables que la mienne. En revanche, féminisme et pro-criminel sexuel seront à jamais incompatible.
Alors pourquoi ces personnes se déclarent-elles féministes et vont jusuqu'à militer si ce n'est pour se frayer une place dans ce monde patriarcal et s'excuser d'être femme? Ou pour montrer aux femmes que quand même, elles sont féministes mais faut pas exagérer non plus?

En fait, je me contre fout de ce qu'elles pensent et du pourquoi. Ce que je retiens c'est que toutes ces signatures sont autant de gifles à toutes les victimes, autant d'injonction à nous taire et à tendre l'autre joue, même de la part de soit-disant féministe.

Je ne tend plus l'autre joue. Je me défends.

Quelques liens à lire : sur le blog A dire d'elles

Les Nouvelles News

6 commentaires:

Amélie a dit…

Bravo pour cet article et cette phrase de conclusion !

Héloïse a dit…

Parmi les signataires, j'avais entendu parler d'Agnès Varda. Comment peut-on se renier à ce point ?

En tous cas, bravo pour ce texte inspiré et juste dont je partage la colère exprimée.

Euterpe a dit…

Agnès Varda ? Alors là, c'est le coup de poignard en plein coeur !
Ces copinages puants qui excusent tout, c'est du pur délire.
Moi, je ne me prive pas de dire que je ne regarderais plus de films de Fatih Akin qui est très apprécié dans le coin où je vis.
Je sais qu'il a signé la pétition. Donc il est mort pour moi.

Alice a dit…

Amélie, merci!

Héloïse, ben je me le demande aussi. Quand j'ai lu certains noms j'ai voulu croire à des homonymes mais il faut bien se rendre à l'évidence :-(

Euterpe, idem pour moi. Tous et toutes les signataires n'existent désormais plus et je ne me cache pas pour le dire.

Anonyme a dit…

Alice,
merci encore pour ces mots si bien dits, ils me rejoignent totalement et me font du bien, même si bien sur le sujet n'est pas jojo.
Bravo pour tant de maîtrise à l'écriture, à la pensée. Ce texte devrait être publié dans un média à grand tirage pour ouvrir des consciences...
bonne poursuite,
Emma#2

Alice a dit…

Emma#2, merci à toi. Tes encouragements me touchent et me font du bien! :-)